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Pouvait-on espérer que mademoiselle Ruff endurerait cela avec patience ? Elle entendait sa rivale, — qui empochait, à peu de chose près, un souverain, — récapituler triomphalement ses gains, tandis qu’elle, elle achevait laborieusement sa seconde partie seulement, — après avoir perdu la première grâce à la stupidité de son partenaire, qui avait coupé son cœur-roi ! Était-ce endurable ? je vous le demande.

— Lady Ruth, dit-elle, — et de son œil unique jaillit la flamme, — lady Ruth, quand comptez-vous avoir fini de donner ?

Lady Ruth ne daigna pas faire de réponse, et recommença à compter ses cartes. C’est alors que mademoiselle Ruff avait poussé cette exclamation effrayante qui excita, comme nous l’avons dit, d’une façon toute particulière l’attention de mademoiselle Todd.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! je n’aime pas du tout à entendre cela, dit la douce mademoiselle Baker. Je crois vraiment que M. O’Callaghan a raison.

— Non, ma chère, il a tort, tout à fait tort, car il blâme non-seulement l’abus, mais l’usage. Et puis, après tout, quel mal y a-t-il ? Je ne pense pas que mademoiselle Ruff la tue tout à fait. Si nous étions occupées à jouer nous-mêmes, nous ne nous en apercevrions pas peut-être. Jouez-vous le piquet ? Voulez-vous que nous fassions une partie ? Mais mademoiselle Baker ne savait pas le piquet ou ne voulait pas jouer.

— Et parlez-moi de cette chère Caroline, continua mademoiselle Todd. Il me tarde tant de la voir ! Il y a