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raient eu quelque peine à le reconnaître. Il était non-seulement amaigri, fatigué et pâli de visage, mais il parlait aussi avec difficulté : et, en le regardant attentivement, on découvrait que sa bouche était tordue et comme tirée d’un côté. Depuis les dernières visites qu’il avait reçues, il avait subi ce qu’on nomme, en langage poli, une légère menace de paralysie.

Mais son intelligence, si elle avait été menacée, s’était remise, et son obstination n’était nullement paralysée. Quand sir Lionel fut introduit, le vieillard lui tendit la main, mais ne fit pas mine de se lever de son fauteuil. Les deux frères ne s’étaient pas vus depuis quinze ans.

Sir Lionel s’était fait la leçon à l’avance sur ce qu’il dirait et ferait. — George, dit-il, et le vieillard tressaillit en s’entendant nommer de cette façon inaccoutumée, George, quand j’ai su que vous étiez malade, je n’ai pu faire autrement que de venir vous voir.

— Vous êtes bien bon, sir Lionel, — très-bon, grommela le malade.

— Il y a quinze ans que nous ne nous sommes rencontrés, et nous sommes vieux l’un et l’autre aujourd’hui.

— Moi, je le suis, et à peu près fini, — trop vieux et trop fini pour avoir beaucoup de besoins. Vous n’en êtes pas là, je pense.

Il y avait dans sa voix et dans son regard, en s’adressant à son frère, une certaine ironie qui fit comprendre à sir Lionel que les dispositions à son égard n’étaient pas précisément affectueuses.