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nouvelle. Si les choses se fussent passées comme nous venons de le dire, mademoiselle Waddington eût été une femme au lieu d’être une déesse. Quel que pût être le résultat, elle ne pouvait pas s’humilier jusque-là. Elle avait été offensée, comme jamais déesse ne l’avait été. Quoi qu’il lui en coûtât, elle garderait sa dignité ; elle ne se courberait pas devant l’orage qui l’avait assaillie avec tant d’insolence.

Bertram s’était levé pour partir. — Il serait inutile de déranger votre tante, dit-il. Dites-lui que, si je pars sans la voir, c’est que je veux lui épargner un chagrin. Adieu, Caroline ; que Dieu vous garde ! Et il lui tendit la main.

— Adieu, monsieur Bertram. Elle aurait voulu ajouter quelque chose, mais elle craignit de se laisser aller à quelque parole trop tendre. Elle lui donna la main cependant, et répondit à son étreinte.

Elle le regarda et vit que ses yeux étaient pleins de larmes ; mais pourtant elle ne parla pas. Oh ! Caroline ! Caroline ! si tu avais su comprendre, même alors, combien tu étais femme en réalité, et combien peu tu étais une froide et impassible déesse, tout aurait pu bien finir ! mais tu ne le savais pas. Tu étais montée sur ton piédestal de Junon, et, une fois là, coûte que coûte, il fallait t’y maintenir.

— Dieu vous garde, Caroline ; adieu, répéta-t-il encore en se dirigeant vers la porte.

— Je voudrais vous faire une question avant que vous partiez, dit-elle au moment où George posait la main sur le bouton de la porte. Bertram s’arrêta et se retourna vers elle.