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suffisante, mais d’autres pourraient juger la chose différemment. Mademoiselle Baker, par exemple, ou peut-être même mademoiselle Waddington…

Mais, d’une autre part, il n’était pas possible que Caroline désirât encore l’épouser après en avoir agi ainsi. N’avait-il pas les meilleures raisons pour supposer qu’elle ne voulait pas l’épouser ? Elle avait toujours cherché à gagner du temps. Elle n’avait pas cédé à ses plus ardentes prières. Dans ses rapports avec lui, elle s’était montrée froide et inflexible. Elle avait eu ses moments d’épanchement, mais pas avec lui ; un autre, qu’elle lui préférait peut-être, avait réussi à les provoquer. Aucune jalousie ne se mêlait à ces réflexions de Bertram, — aucune jalousie vulgaire, voulons-nous dire. Ce qu’il ne pouvait supporter, c’était la blessure faite à sa dignité. À peine souhaitait-il maintenant que Caroline l’aimât encore.

Il se dit qu’il retournerait une fois encore à Littlebath et qu’il lui demanderait la vérité. Il lui ferait toutes les questions qui lui brûlaient le cœur. Puisqu’elle n’aimait pas les lettres de reproche, il ne lui en écrirait plus ; ce qu’il avait à lui dire, il le lui dirait de vive voix. Et il résolut de partir le lendemain pour Littlebath.

Lorsqu’il arriva chez lui à Londres, il était fatigué et découragé, mais sa colère était passée. Il tâcha même de se persuader qu’il était dans un état d’esprit tout à fait opposé à la colère. Il se mit à genoux et pria Dieu pour le bonheur de Caroline. Il fit le serment d’y contribuer par tous les moyens ; mais il n’admit pas un instant que ce bonheur pût être assuré par leur mariage.