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lui servir d’excuse. Si, en ce bas monde, la justice était impartialement rendue, on trouverait, je crois, peu de fautes sans quelque excuse. Je ne prétends pas dire que les fautes seraient complètement effacées, et que ce qui est noir se trouverait être blanc ; mais je crois que ce qui est maintenant très-noir serait peut-être réduit à cette nuance banale de brun, qui est la couleur ordinaire de l’humaine nature.

Notre plaidoyer en faveur de M. Harcourt ne le blanchira pas entièrement ; sa conduite gardera peut-être une couleur plus foncée que celle qui est habituelle aux actions des hommes ; il se peut même qu’elle reste à peu près noire aux yeux de bien des gens.

M. Harcourt avait cru voir que Bertram et mademoiselle Waddington ne pourraient jamais être heureux ensemble. Il avait vu des choses qui lui avaient donné l’idée que ni l’un ni l’autre ne désiraient réellement ce mariage. Cependant il se disait qu’ils étaient tous les deux trop fiers pour demander à être dégagés de leur promesse. En pareille circonstance, serait-ce mal agir que de les aider à retrouver leur liberté ? Il lui semblait impossible, après ce que Caroline avait dit, à lui personnellement, qu’elle pût désirer ce mariage. Bertram, de son côté, avait écrit de façon à faire supposer qu’il ne le souhaitait pas davantage. Quelle folie ne serait-ce donc pas que de les laisser se marier ? Il en avait causé avec mademoiselle Baker, et elle avait partagé son avis. « Il est impossible qu’il aime Caroline, lui avait dit mademoiselle Baker, et qu’il la néglige si indignement. Je suis sûre qu’il ne l’aime pas. »