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liers ou à des étudiants, et, encore si ceux-là ont le cœur un peu tendre, faudrait-il les leur épargner.

On devrait s’imposer la règle de ne mettre à la poste de pareilles lettres que vingt-quatre heures après les avoir écrites. Si vous êtes en colère, mettez-vous à votre bureau et écrivez votre lettre ; répandez-y tout votre fiel ; cela vous fera du bien. Vous vous croyez outragé ? dites tout ce que vous suggérera votre éloquence envenimée, et donnez-vous le plaisir de relire la composition pendant que votre fureur est encore en ébullition. Cela fait, remettez votre lettre dans votre bureau, et jetez-la au feu le lendemain matin avant déjeuner. Croyez-moi, vous vous serez procuré ainsi une double satisfaction.

La lettre qu’écrivit George Bertram à sa bien-aimée était une lettre de colère. Harcourt lui avait fait comprendre que toutes ses fautes, à lui, George, et, — chose qui le blessait encore plus, — toutes ses tendresses avaient été discutées entre son ami et mademoiselle Waddington, entre sa Caroline et un étranger ! Cette pensée révoltait son orgueil. Il lui semblait qu’on avait envahi son domaine pendant son absence, et que son trésor avait été mis au pillage par celle-là même à qui il l’avait laissé en garde. Il y avait eu des mésentendus, des querelles même entre Caroline et lui, mais, malgré tout, il lui avait donné son cœur sans partage. Et voilà qu’en son absence, elle avait analysé ce cœur et commenté son amour avec cet homme du monde, Harcourt ! Il ne pouvait parler de cela avec sang-froid. Pourtant, s’il eût gardé sa lettre vingt-