Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais, jamais à qui que ce soit ; promettez-le-moi, Caroline, promettez-le-moi ! Chère Caroline, vous me le promettez, n’est-ce pas ? Personne n’en sait rien, personne n’en doit rien savoir.

Caroline promit de se taire ; mais naturellement elle se montra curieuse de savoir toute l’histoire. Adela se refusa positivement à en dire plus long sur elle-même. Dans un moment d’émotion poignante elle avait fait allusion à sa propre douleur, mais pour rien au monde elle n’aurait de nouveau recommencé à parler d’elle-même. Elle n’ajouta donc rien sur ce point, mais elle n’en persévéra pas moins, d’une voix devenue plus douce et plus touchante encore, à supplier son amie de ne pas aliéner à jamais le noble cœur qui se donnait à elle.

Une pareille scène ne pouvait manquer de produire quelque effet sur Caroline. Mais en fin de compte, le résultat ne fut pas tel que le souhaitait Adela. Mademoiselle Waddington s’était promis qu’en aucune circonstance de la vie, elle ne se laisserait entraîner par la passion. Pourquoi donc se laisserait-elle persuader aujourd’hui par la passion d’une autre ? Qu’était-ce, en réalité, que l’histoire d’Adela ? Elle ne savait absolument rien du fond des choses. Il se pouvait qu’Adela eût été indignement traitée. D’où venaient les torts ? de ses amis, de celui qu’elle aimait, ou d’elle-même ? Ne serait-ce pas folie, qu’elle, Caroline Waddington, se laissât influencer par l’exemple d’une personne qui ne voulait pas même lui expliquer de quelle nature était cet exemple ?