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pas été lui demander conseil, mais son cœur était triste, et elle ne put s’empêcher d’abord de parler de la lettre qui se trouvait sur sa table à ouvrage, et bientôt de la faire lire à son amie.

L’avis que donnerait Adela ne pouvait faire l’objet d’un doute, mais Caroline ne s’attendait pas à l’entendre parler avec l’impétuosité et l’éloquence emportée que donne une conviction profonde. Elle était loin de croire Adela capable de montrer tant de passion.

— Eh bien ! fit-elle, quand elle vit Adela replier lentement la lettre et la remettre dans l’enveloppe, eh bien ! quelle réponse dois-je lui faire ?

— Pouvez-vous en douter ? dit Adela dont les yeux brillèrent comme jamais Caroline ne les avait vus briller.

— Oui vraiment, je doute ; je doute beaucoup. Je ne devrais pourtant pas douter. Ce que je savais être la sagesse il y a huit jours est encore la sagesse aujourd’hui. Mais on est faible, et il est si difficile de refuser à ceux qu’on aime.

— Ah ! oui, bien difficile, dit Adela. Selon moi, il faudrait qu’une femme eût une pierre à la place du cœur pour rejeter une pareille demande, faite par un homme à qui elle aurait confessé son amour.

— Mais ce n’est pas une raison, parce qu’on aime un homme, pour qu’on veuille le plonger dans la misère.

— Nous redoutons trop ce que nous nommons la misère, dit Adela. Est-ce donc la misère, Caroline, que dix mille livres de rente ? Vous n’aviez pas le droit de