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— Mademoiselle ! dit-il en lui tenant toujours la main, Caroline ! Dois-je m’excuser de vous nommer ainsi ? ou bien ce privilège m’est-il encore permis ? Et il lui tenait toujours la main comme s’il attendait une réponse décisive.

— L’affection que votre oncle nous porte à tous les deux vous donne ce droit, dit Caroline en souriant, et en se servant d’une ruse de femme pour sortir d’embarras.

— Je ne veux pas d’un droit basé de la sorte. Ce que j’ai à vous demander, il faudra me l’accorder, ou me le refuser, pour mon propre compte. Depuis le jour où nous nous sommes quittés à Jérusalem, je n’ai guère pensé un peu sérieusement qu’à vous seule, Caroline. Vous ne pouviez pas me répondre alors ; vous ne m’avez pas répondu ; vous disiez ne pas connaître votre cœur. Vous devez pouvoir y lire maintenant. L’absence m’a beaucoup appris : à vous aussi, elle a dû apprendre quelque chose.

— Et que vous a-t-elle appris ? demanda Caroline sans lever les yeux.

— J’ai appris qu’il n’y a qu’une chose au monde que je désire, et que ce ne serait pas agir en homme que de ne pas m’efforcer de l’obtenir. Cette chose, je viens ici vous la demander. Et vous, Caroline, dites-moi ce que l’absence vous a appris.

— Oh ! bien des choses ! mais je ne sais pas réciter ma leçon tout d’une haleine, comme vous.

— Voyons, Caroline, je compte au moins sur votre sincérité. Vous êtes trop bonne, trop charitable pour