Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ton envie, en tout cas, ne doit pas être très-envieuse, dit Wilkinson en riant, car tu n’as qu’à étendre la main pour atteindre un bonheur tout pareil. Tu es agrégé comme moi, et ton appartement t’attend au collège d’Oriel.

— C’est facile à dire ; mais cependant cela ne peut pas être. J’ai désiré par-dessus tout être prêtre, Arthur, et pourtant cela ne sera pas. L’ordination m’a semblé le plus noble but de l’ambition humaine, et pourtant je ne serai jamais ordonné prêtre.

— Pourquoi donc ?

— Ce n’est pas ma destinée.

— N’emploie pas ces mots si vides en un pareil sujet !

— Eh bien ! ce ne sera pas là mon sort, si tu l’aimes mieux. Ce n’est guère qu’à toi que j’oserais avouer toute l’étendue de ma faiblesse. Il y a eu des moments, depuis que nous nous sommes quittés, où j’ai juré de me dévouer tout entier à l’œuvre de Dieu ; je l’ai juré, entouré de mille objets sacrés qui eussent dû rendre mon vœu plus solennel, et pourtant…

— Pourtant… mais tout dépend encore de toi ?

— Non, non ! cela ne peut plus être. Je suis aujourd’hui un des disciples de cet éminent jurisconsulte M. Die ; les considérants et les conclusions sont devenus mon évangile, et je suis désormais condamné à prêcher le mensonge au lieu de la vérité. Cela paraît difficile au début ; on se révolte ; mais je m’y ferai bientôt, je m’y ferai aussi bien que Harcourt.

— C’est Harcourt qui t’aura persuadé.