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— Je sais l’amertume de vos sentiments à l’égard de votre frère, continua-t-il, mais votre cœur devrait vous enseigner à les cacher devant son fils.

M. Bertram se chauffait toujours, appuyé contre la cheminée, les mains derrière le dos et les pans de son habit ramenés en avant. Il ne disait rien, mais il continuait à regarder fixement son neveu qui arpentait vivement la chambre d’un bout à l’autre. — Je crois, dit enfin George, qu’il vaut mieux que je retourne à Londres. Bonsoir, mon oncle.

— Tu es un âne, dit l’oncle.

— C’est possible, dit George, mais les ânes ruent quelquefois.

— Et ils savent braire aussi, dit l’oncle.

— Pour ne plus braire en votre présence, je vous souhaite le bonsoir. Et il tendit la main à son oncle. Le vieillard la prit, mais il ne fit mine ni de la serrer, ni de la lâcher. Il regarda longuement son neveu en face, puis il laissa retomber la main.

— Tu ferais mieux de te rasseoir et de prendre un verre de vin, dit-il enfin.

— Je préférerais retourner à Londres, dit George avec fermeté.

— Et moi je préfère que tu restes où tu es. Ceci fut dit d’un ton qui, pour M. Bertram, était aimable.

— Voyons, tu n’as pas besoin de te fâcher comme un enfant. Reste ici, pour le moment ; et si une autre fois tu ne veux pas revenir, eh bien, tu ne reviendras pas.

Ces derniers mots ayant été dits d’une voix de prière,