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accepter sur-le-champ. En premier lieu, George Bertram n’était peut-être pas bien sûr de ses propres sentiments, et, dans cette hypothèse, elle lui rendait service en lui laissant le choix, ou de renouveler son offre ou de se retirer après quelques mois de réflexion. En second lieu, elle ne savait pas lire dans son propre cœur. Elle n’aurait réellement pas su dire si elle aimait, ou si elle n’aimait pas George. Elle était assez portée à croire qu’elle l’aimait, mais il lui semblait qu’avant de s’engager, il serait bon d’en être un peu plus sûre. Elle se rappelait, et pour en tenir compte, qu’au dire de sa tante, George devait hériter du vieil oncle Bertram. Elle aurait cru mal faire en épousant un homme qui n’aurait pas eu les moyens de la faire vivre selon la position qu’elle voulait occuper : elle ne l’eût pas fait par égard pour elle-même, et aussi par égard pour lui. Elle ne se sentait pas faite pour être la femme d’un pauvre diable, et ce n’était point là la vie à laquelle elle s’était préparée. Sur ce point aussi, ses idées étaient parfaitement arrêtées, et elle n’était pas femme à s’en laisser détourner par une petite bouffée de sentiment, Bertram lui plaisait, — il lui plaisait même beaucoup, — beaucoup plus qu’aucun autre homme qu’elle eût jamais rencontré. Sous plus d’un rapport, il atteignait à son idéal : pourtant, elle ne le trouvait ni assez calme, ni assez réfléchi. Il lui semblait un peu trop enthousiaste, et elle se disait qu’un homme, qui parlerait et agirait avec moins d’ardeur, aurait plus de chances de réussir dans la vie. Mais avec le temps il pourrait apprendre,