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serait-elle point noble ? N’est-il point aussi beau de s’occuper de l’âme que du corps ?

— Je juge d’après ce que je vois. Les ministres, d’ordinaire, aiment la bonne chère, sont fort soigneux de leurs écus, fort peu aimables dans leur intérieur et très-sujets à s’endormir après dîner.

George se retourna sur l’herbe, et cessa pendant quelques instants de regarder au loin, du côté de la ville. Il n’avait pas assez de force de caractère pour rire de cette description, tout en n’en tenant pas compte. Tel qu’il était, s’il ne protestait pas contre ce qu’avait dit Caroline, il fallait qu’il en rît et qu’il en subît l’influence. Il n’y avait pas de milieu : s’il ne lui disait pas qu’elle ne comprenait rien aux plus chères espérances du prêtre, il devait plier devant le mépris que renfermaient ses paroles.

— Et cet homme que vous dépeignez ainsi, pourriez-vous l’aimer, l’honorer et lui obéir ? dit-il enfin.

— Je présume que de tels hommes trouvent des femmes pour tâcher de les aimer, les honorer et leur obéir ; elles y réussissent ou n’y réussissent pas. Quant à moi, je pense que je ferais comme les autres.

— Vous parlez de mon avenir, mademoiselle, comme s’il vous intéressait, mais vous semblez n’attacher aucune importance au vôtre.

— À quoi cela sert-il qu’une femme pense à son avenir ? Elle ne peut rien pour le diriger. À peine peut-elle quelque chose pour la réussite de ses projets. D’ailleurs je n’ai pas le droit de me croire différente du