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Mais, tout en étant un homme vaniteux, sir Lionel avait trop d’esprit pour laisser percer sa vanité d’une façon maladroite. L’ars celare artem était son fort, et il savait vivre dans le monde comme s’il ne donnait jamais une pensée à son habit ou à son pantalon, ou comme s’il n’accordait à sa chevelure gris de fer que les soins les plus essentiels.

J’allais dire que ce qu’il y avait de mieux en sir Lionel était sa stature ; mais, en disant cela, je ne rendrais pas justice à ses manières, auxquelles il était difficile de trouver à redire. Elles étaient ce que le monde appelle charmantes ; cela signifie que celui qui a le bonheur de les posséder sait charmer hommes et femmes — pour un temps. Sa femme, à ce que je crois, ne les avait pas toujours trouvées charmantes.

Ces manières, jointes à la facilité avec laquelle il parlait une ou deux langues outre la sienne, avaient valu à sir Lionel son titre et l’avaient fait nommer à des postes qui n’avaient absolument rien de militaire. Jamais il ne se créait de difficultés ou d’ennemis personnels, et il parvenait même généralement à faire disparaître les difficultés et à apaiser les ennemis qu’avaient laissés derrière eux des gens d’un caractère plus ferme peut-être que le sien.

Le catalogue de ses vertus s’arrête ici. Il n’était pas un homme de génie, il n’était pas même un homme de talent. Il n’avait pas rendu de grands services à son pays ; il n’avait proposé ni exécuté aucune mesure diplomatique importante ; il n’avait pas même appris à connaître les