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n’eût su reconnaître à quelle nation ils appartenaient, — pressèrent leurs lèvres sur le marbre. C’étaient, comme nous l’avons dit, des hommes sales, rasés, à la mine dangereuse, vêtus de peaux de bête ; ils étaient placés bien bas dans l’échelle de l’humanité, en comparaison de leur frère en pèlerinage ; mais, malgré tout, ils devinrent pour lui, dans ce moment-là, des objets d’envie. Ils croyaient du moins, et leur foi était évidente. Quel que pût être le code moral qui régissait leur conduite, quand même ils n’en reconnaîtraient aucun, — ce qui ne semblait que trop probable, — une chose était certaine : ils possédaient la foi. Le Christ était à leurs yeux une vérité réelle et vivante, bien qu’ils ne sussent l’adorer qu’en baisant ainsi une pierre qui n’avait, en réalité, pas plus de rapport avec lui que la première pierre venue qu’ils eussent pu baiser dans leur pays. Ils croyaient ; et pendant qu’ils touchaient des lèvres, du front et de la main, les bords du sépulcre, leur foi s’éleva jusqu’à l’extase. C’est ainsi que Bertram eût voulu entrer dans cette petite chapelle, c’est ainsi qu’il eût voulu sentir, c’est ainsi qu’il eût voulu agir, si cela lui avait été possible. Il avait espéré sentir tout cela, il avait cru qu’il s’agenouillerait, lui aussi, dans un transport pieux. Mais il ne s’agenouilla point. Il se dit que la chaleur était étouffante, que le voisinage de ses frères chrétiens était désagréable, et, courbant la tête, — non par respect, mais pour sortir à reculons de l’étroit espace, — avec un peu de peine et beaucoup de précautions, et, s’il faut tout dire, avec quelques expressions de colère