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Clara Amadroz, à cette époque, n’était plus une toute jeune personne. Elle avait vingt-cinq ans et, dans son extérieur, sa mise et ses manières, paraissait plus sérieuse que son âge. Elle n’avait presque jamais vécu qu’avec des personnes âgées, et ne correspondait avec aucune jeune fille au moyen de lettres aux lignes croisées. Après la terrible tragédie survenue dans sa famille, la gravité de sa vie et de son caractère avait naturellement augmenté. Les soucis matériels auxquels la pauvreté de son père soumettait Clara, ôtaient à son existence toute poésie aussi bien que tout plaisir. Elle devait examiner la note du boucher et se livrer aux soins les plus minutieux du ménage, avec le spectre de son frère sans cesse présent devant les yeux.

Un mot doit être dit pour expliquer comment miss Amadroz avait dû être sérieuse de bonne heure. Nous avons nommé mistress Winterfield, tante adoptive de Clara. Quand une jeune fille a sa mère, une tante est peu de chose pour elle ; mais, à défaut de la mère, une tante sans enfants prend une grande autorité. C’est ce qui était arrivé pour mistress Winterfield, d’autant plus qu’elle avait trente mille livres de rente, et que M. Amadroz comptait sur elle pour assurer l’avenir de Clara.

Il n’y eut jamais de personne plus consciencieuse que mistress Winterfield de Prospect-Place, à Perivale. C’était une excellente femme, pieuse, pleine