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poussant son assiette et tirant de sa poche ses gants de peau de Suède.

En ce moment, la porte s’ouvrit et Florence parut ; elle alla vers le haut de la table, et s’approchant de son oncle qui s’était tourné vers elle :

» J’espère que vous ne m’en voudrez pas, monsieur Thorpe, d’être aussi en retard ? mais j’ignorais l’heure, et vos bois sont si beaux que je ne pouvais me décider à les quitter.

— Les bois ! grand Dieu ! murmura miss Elfreda.

— Les bois ! merci ! répéta miss Eldruda.

— Les bois ! s’il est possible ! » reprit miss Winifred.

Les deux collégiens poussèrent aussi une exclamation. Tous les yeux se fixèrent sur Florence : elle était vraiment charmante ; ses beaux cheveux bien lissés encadraient son gracieux visage, qu’illuminaient le bonheur et la gaieté, et sa simple robe de mérinos faisait ressortir avec agrément ses formes élégantes.

« Fâché contre vous, ma chère enfant, reprit M. Thorpe en lui baisant la main, parce que vous admiriez mes vieilles forêts ? Je ne me fâcherai, mon enfant, que si vous ne vous asseyez pas près de moi pour déjeuner. Voici Sophie Martin qui va vous faire de la place entre nous deux. »

Mais avant que l’orpheline se fût levée, mistress Heathcote s’était serrée pour faire de la place à sa belle-fille, et Algernon s’élançait derrière sa sœur avec une chaise.

Florence sourit à Algernon, et donna un bon baiser à sa mère, qui lui disait de manière à ce que M. Thorpe entendît :

« Comment Florence, vous qui déjeunez ordinairement à huit heures, n’êtes-vous pas prête à dix heures ?

— Je l’aurais été, maman ; seulement j’étais si loin… si loin… répondit la jeune fille en déployant sa serviette.