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L’AMANT SECRET.

STANCES



DOVCE & paiſible nuict, Deïté ſecourable,
      Dont l’empire eſt ſi fauorable
À ceux qui ſont laſſez des longs trauaux du iour :
Chacun dort maintenant ſous tes humides voiles,
Mais mal-gré tes pauots, les eſpines d’Amour
M’obligent de veiller auecque tes Estoiles.

Tandis qu’vn bruict confus regne auec la lumiere,
      Ma paßion est priſonniere ;
Ie crains d’eſtre apperceu, i’ay peur d’estre eſcouté :
Il faut que ie me taiſe, & que ie dißimule,
Mais ſous ton cours muet ie prens la liberté
D’entretenir les feux de celuy qui me bruſle.

Ie dirois qu’auiourd’huy leur fatale puiſſance
      Auroit trahy mon innocence,
Et forcé mon eſprit d’aimer ſi hautement ;
N’eſtoit qu’en ſi beau lieu mon ame eſt enchainée,
Qu’on peut à voir mes fers iuger facilement
Que i’aime par raiſon plus que par deſtinée.