Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vostre amour, dont ie fus rauy,
Me paya ſans auoir ſeruy
Par vne grace fort inſigne ;
Mon cœur bien au vif la reſſent,
Et du moins ſi ie n’en ſuis digne
Ie n’en ſuis pas meſcognoiſſant.

Mais ie me plains en vous aimant,
D’aperceuoir qu’vn autre Amant
S’attende à des faueurs pareilles ;
Et que voſtre facilité
Preste vos yeux, & vos oreilles
Contre voſtre fidelité.

Vous ſçauez que ce fut ainſi
Que ie vous appris le ſoucy
Dont mon Ame eſtoit trauerſée ;
Voſtre ſexe estant inconſtant,
Vne peur m’entre en la penſée,
Qu’vn autre en vienne faire autant.

Apprehendant cela pour vous
Ie n’ay pas ce chagrin ialoux
De qui l’on blaſme les caprices ;
Car ie crains moins pour mon bon-heur
Bien que vous ſoyez mes delices,
Que ie ne crains pour vostre honneur.