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Si ton pouuoir d’vne erreur fauorable
Peut adoucir l’ennuy d’vn miſerable ;
Si la froideur & l’ombre du ſommeil
Ont la vertu de produire vn Soleil :
De cent Pauots ie te fais ſacrifice,
Suſpen bien toſt mes ſens de leur office,
Et de glaçons en ta Cauerne pris,
Bouchant l’artere où paſſent mes eſprits,
Pour contanter mon amoureuſe enuie
Deſpoüilles moy des marques de la vie ;
Et de la ſorte agreable trompeur
Vien me former vn bien d’vne vapeur.

Recueille moy les plus aimables choſes ;
Meſle en vn teint des Lys auec des Roſes,
Souz des flots d’or enflez par les Zephirs.
Mets vn eſclat dans des yeux de Zaphirs
Dont la douceur à la rigueur s’aſſemble
Pour embrazer & glacer tout enſemble.
Choiſis encore deux des plus beaux Rubis
Qui le matin brillent ſur les habits
Que prend l’Aurore en ſortant de ſa couche,
En les ioignant, dépeins moy cette bouche
Où la Nature a dedans & dehors
D’eſprit de Roſes embaumé des Treſors :
Et qui recelle vn Nectar à qui cede
Cette boiſſon que verſe Ganimede.