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un devoir sacré que de venir au secours de tant de milliers de créatures souffrantes qui vous implorent, et qui succombent sous le poids de leur douleur. Songez, dans votre conscience, à cette maxime du Christ, qui doit être la base de toute morale : « Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fît. » Ah ! pénétrez-vous bien de cette sublime doctrine, et vous ne laisserez plus languir dans un océan de misères tant de femmes qui pourraient être sauvées par vos mains ! Faites le bien, vous éprouverez une joie ineffable, joie qui en est le prix, et qui vous élèvera jusqu’à Dieu.

Quant aux villes de provinces, nous pouvons assurer que le sort des étrangères n’y est pas meilleur qu’à Paris. Dans les villes de premier ordre, elles trouvent le même isolement que dans la capitale, le même égoïsme, la même insouciance et moins de politesse. Pour les autres localités, si elles sont moins corrompues, l’indifférence y est remplacée par une curiosité insolente. Si dans les grandes villes on ne s’occupe nullement des étrangères, là on en fait l’objet des conversations ; mais, quant à un intérêt réel, elles n’en obtiennent ni dans les unes, ni dans les autres. Si une femme seule, en voyage, veut visiter ce qu’il y a d’intéressant sur la route, elle ne pourra le faire qu’avec beaucoup de peine, et avec la certitude d’être ensuite le sujet de toutes les conversations des notabilités du village.

Si nous parlons enfin des eaux, des établissemens thermaux, c’est dans ces lieux que la position d’une Étrangère seule devient encore plus pénible ! C’est là que l’oisiveté donne plus de temps et de penchant à s’occuper des faits d’autrui, et c’est là qu’elle est aussi en butte à la calomnie. Si une femme, tourmentée par une maladie quelconque, a le courage (et le mot n’est pas exagéré) d’aller seule aux eaux, voilà que des gens charitables, comme il y en a tant, ne se feront nul scrupule de manifester des doutes sur son honneur ; d’autres assureront, sur ouï-dire, qu’elle court les bonnes fortunes ; et elle peut s’attendre à écouter des propos de jeunes gens qui empoisonneront son cœur, et augmenteront son mal au lieu du soulagement qu’elle était venue chercher. Nous nous arrêtons ici. Avant peu nous ferons paraître un ouvrage sur l’Angleterre, qui aura pour objet spécial de rendre compte de l’accueil que reçoivent les