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ayons pitié du sort des étrangères qui se trouvent dans une position malheureuse, aimons-les, secourons-les de tout notre pouvoir. Beaucoup n’osent vous parler, évitent toute société : ce n’est pas fierté, mais crainte ; le malheur rend timide. Cette position d’une femme seule, étrangère, sans fortune, sans appui, a quelque chose de tellement affreux, que nous n’essaierons pas de la décrire. Aucune langue n’a d’expressions assez fortes pour pouvoir exprimer de pareilles douleurs. Il n’est donné qu’aux cœurs vraiment bons et compatissans de pouvoir pénétrer jusqu’au fond de cet abîme de maux.

Beaucoup de ces femmes infortunées ont apporté à Paris un cœur brisé, mais pur, tout entier à la vertu ; des mœurs simples, des idées justes et des qualités solides. Elles ne demandaient qu’à faire le bien, à le faire complètement ; mais cette société qui les a repoussées, qui les a regardées avec méfiance, cette même société, au lieu de les secourir comme des sœurs, a ouvert des précipices sous leurs pas, au lieu de les aider à remplir leur devoir avec cette scrupuleuse exactitude qu’elles y auraient apportée, leur a montré le sentier du vice couvert des plus brillantes couleurs, le sentier du vice comme l’unique chemin qui leur était ouvert. Elle s’est moquée, avec un sourire diabolique, de leur répugnance à le suivre, et les a mises dans la cruelle alternative, ou de se dégrader à leurs propres yeux, ou de périr de misère, calomniées par les mêmes séducteurs qui cherchaient à les perdre. Et cette société barbare, indigne, plus orgueilleuse de son lâche triomphe que Lucifer de sa beauté, a ensuite épuisé toutes les ressources de son génie infernal à leur fermer toute issue, afin que ses victimes ne pussent jamais sortir de l’abîme où elle les a jetées, sans nulle pudeur, sans nulle pitié. Voilà l’ordre de choses actuel : un malheureux tombe, et tous se précipitent sur lui pour le fouler aux pieds ;  ; pas un ne lui tend la main pour l’aider à se relever. Hélas ! si nous maudissons nos frères, si nous les laissons périr dans la douleur, qui viendra donc à notre secours quand nous serons au jour de l’affliction ! Hommes égarés, songez que le mal que nous faisons aux autres retombe sur nos têtes et sur celles de nos enfans.

C’est un devoir qui doit retentir au fond de votre cœur, c’est