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lomnie qui en est la conséquence, a forcée d’abandonner sa terre natale. C’est lorsque leurs cœurs sont brisés par les angoisses, que l’infâme anathème de leurs semblables, peut-être mille fois plus coupables qu’elles, vient encore peser sur leurs têtes, c’est alors qu’elles se réfugient en foule dans le sein de ces grandes villes, y cherchant la liberté de pleurer inaperçues dans ombre, et d’y cacher leur douleur et leur misère. C’est pour celles-là surtout, que ce Paris qui, tant de fois dans le fond de leurs campagnes, s’était peint à leurs jeunes imaginations sous de si vives couleurs, c’est pour celles-là qu’il paraît horrible ce brillant Paris ; qu’elle leur semble froide et déserte cette cité si populeuse ! Pour cette classe d’étrangères, le séjour de Paris dans un hôtel garni est mille fois plus affreux que ne peut l’être le Tartare dans ce qu’il a de plus hideux !

On concevra facilement que les étrangères qui se trouvent dans la position que nous venons de décrire seront presque toujours sans ressources pécuniaires ; car la jeune fille trompée n’eût pas été abandonnée si elle eût été riche, l’Étrangère calomniée n’eût pas été forcée d’abandonner son pays si elle eût été riche : on ne trompe et n’attaque jamais que les faibles et les malheureux. Très peu de femmes riches se trouvent dans la cruelle nécessité de se séparer d’avec leur mari, par l’habitude qu’elles ont d’en vivre presque séparées dès le commencement. Or, ces étrangères se trouvent presque toujours dans le besoin, et souvent même dans la misère.

Cependant ce sont ces êtres malheureux qui auraient besoin plus que tout autre d’une main secourable qui vînt leur offrir un appui. Combien de ces jeunes femmes vivant dans l’abandon consument leur vie, isolées, dans une petite chambre sombre, glacée, et meurent au printemps de leur existence. Pas un rayon d’espoir ne brille pour elles sur l’horizon ; et affaissées sous le poids de leur douleur elles finissent par contracter cette sensibilité maladive, cette irritabilité extrême qui, à la longue, détruisent la santé la plus robuste. Le mépris et l’isolement auxquels elles sont en butte leur font maudire l’existence, et les moindres manques de convenances, les moindres regards un peu sardoniques sont pour elles autant de poignards qui s’enfoncent cruellement dans leur sein. Un ami leur serait plus nécessaire que l’espace aux oiseaux