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détroit de Gallipoli. On l’appelle encore aujourd’hui Avido & Aveo. Mais Monsieur Wéler assure qu’on ne voit point de marque d’antiquité près de ce Château, & que les ruines d’Abyde se trouvent à une lieue de-là du côté du Nord, où est effectivement l’endroit le plus resserré du Détroit ; & il juge, avec quelques Auteurs, que le vieux Chateau de Natolie est bâti sur les ruines de l’ancien Dardanum, ou Dardana, d’où est venu le nom de Dardanelles, que porte ce Château, conjointement avec celui de Romanie, qui lui répond. Maty. & M. Corneille, disent Abydos & Abyde ; d’autres disent seulement Abydos. Xerxès fit un pont sur l’Hellespont qui joignoit Abydos & Sestos.

Autrefois du Persan l’étonnant appareil,
Sur les eaux d’Hellespont fit un chemin pareil ;
Joignit Abyde à Seste, & l’Europe à l’Asie. Breb.

Il y avoit encore une Ville de ce nom en Egypte.

☞ Aujourd’hui Abydos est un des châteaux des Dardanelles, dont l’entrée est toûjours interdite aux Chrétiens, & à toute sorte de personnes, une heure avant que le soleil se couche, & durant la nuit. La porte de ce château est entre le levant & le septentrion. Son plan est quarré, & il y a dans le milieu une grosse tour faite en maniére de donjon. Les fossés qui l’environnent sont tellement comblés en certains endroits, qu’on peut dire qu’il n’y en a plus vers le couchant ; le marais que fait le fleuve Simoïs à son embouchure, pourroit lui en servir, s’il y avoit plus d’eau, mais nous y étions à pied sec. Duloir. Voyag. de Lev. p. 209, 210. Abydos est plus fort que Sestos, étant bâti au bord d’une plaine d’une grande étendue, qui rend sa situation bien plus avantageuse & plus forte ; les grands vaisseaux y peuvent aborder des deux côtés, & y demeurer à l’ancre, ce qu’ils ne peuvent pas faire à Sestos. Le paysage en est aussi bien plus beau ; mais le séjour y est mal sain. Id. p. 211.

ABYLA, s. f. Abyla, ae. Nom de Montagne & de Ville. Abyla étoit dans le détroit de Gibraltar sur la Côte de Mauritanie. C’étoit une des Colonnes d’Hercule, & Calpe l’autre, sur la Côte d’Espagne. Quelques-uns ont cru qu’Abyla Ville, étoit Alcudia, & qu’Abyla Montagne, étoit celle que les Espagnols nomment aujourd’hui Sierra de la Ximera. D’autres plus vrai-semblablement veulent qu’Abyla Ville, soit Ceuta, Septa, Evêché dépendant de l’Archevêque d’Evora, & que la Montagne de même nom, soit une haute Montagne proche de Ceuta, que nos François appellent le mont des Singes, & les Hollandois Scheminckellerg.

Abyla est aussi le nom d’une Ville de la Coelésyrie, qui donnoit son nom à une petite Contrée dont elle étoit Capitale. Cette Ville s’appelloit aussi Abyla de Lysanias. La contrée d’Abyla étoit enfermée de l’Antiliban au couchant & au midi, du fleuve Abana du côté de l’Orient, & elle avoit au Nord la Chalcide. Il en est parlé en S. Luc C. 3. v. 1. où il est dit que Lysanias étoit Tétrarque de la Contrée d’Abyla, ainsi qu’a traduit le P. Bouhours. Monsieur Simon a mis le Pays d’Abyla. Le Port-Royal a mis Abylène. Le P. Lubin prétend que la ville d’Abyla étoit celle qui s’appelle aujourd’hui Bevines ou Bellines.

☞ ABYLÈNE. s. f. Nom propre d’une contrée de Syrie. Abilina, Abilena. Elle étoit près de la Trachonitide & de la Pérée. Vers l’an quinziéme de l’empire de Tibère, trentiéme de Jesus-Christ, elle avoit titre de Tétrarchie. Lysanias en étoit Tétrarque. Luc. III. 1. Joseph. Antiq. Jud. L. XX. c. 8. Après la mort de Lysanias, elle fut attribuée à la Syrie. L’an 52 de J. C. l’empereur Claude la donna à Agrippa II. & Néron la lui confirma. Joseph. De Bello Jud. II. c. XII. §. 8. XIII. §. 2. Elle tiroit son nom d’Abila, ville de son territoire. Quelques-uns l’appellent la contrée d’Abila. Voyez Abila.

☞ L’Abylène étoit une région de la Coelésyrie, & avoit l’Antiliban au midi & au couchant, la Chalcide au septentrion, & la riviére Abana à l’orient. P. Lubin.

ABYSME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne


peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abysmes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc.

Le ciel suspend ses coups ; la terre, les enfers,
N’offrent point à mes pas leurs abysmes ouverts.

Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose, & qui est formé de l’α privatif, & de δυω, entrer, pénétrer, en changeant le δ en β ; ou plutôt de βύω, βώσω, βιβυϰα, βέβυσμαι, βέβυσαι, d’où est venu βυσος. De sorte qu’ἄβυσσος signifie ce que l’on ne peut pénétrer, ce qui n’a point de fond. Dans l’Ecriture il se prend pour les eaux que Dieu créa au commencement avec la terre, & qui l’environnoient de toutes parts, dont il est dit, Gen. i. 2. Les ténebres étoient sur la surface de l’abyme. Il se prend encore pour les cavernes immenses de la terre, où Dieu rassembla toutes ces eaux le troisième jour, & que Moyse appelle le grand abyme. Gen. vii. 11. C’est encore en ce sens que ce mot est pris en beaucoup d’autres endroits, comme Job. xviii. 14. xxxviii. 16. Psalm. xxxiii. 7. &c. Le Docteur Woodward, savant Anglois, dans son Histoire naturelle de la terre, prétend qu’une partie des eaux est enfermée dans les entrailles de la terre, & qu’elles forment un grand globe dans son centre ; que sur la surface de ses eaux est étendue une couche de la terre ; que c’est là ce que Moyse a appelé le grand abyme. Et il prouve ce système par un grand nombre d’observations. Il dit que ces eaux de l’abyme, ont communication avec celles de l’Océan, par des canaux qui aboutissent au fond de la mer. Il suppose que ces eaux de l’abyme, & celles de l’Océan, ont un centre commun, autour duquel elles sont placées ; que cependant la surface de l’abyme n’est point de niveau avec celle de l’Océan, ni en égale distance de leur centre commun, parce que celles de l’abyme sont la plûpart pressées par la terre, qui les arrête & qui pese dessus ; mais que partout où cette couche de terre qui les enveloppe, est percée, ou poreuse, ces eaux y pénétrent, y montent & remplissent toutes ces fentes, qui leur donnent issue, tous les vides, tous les pores de la terre, de la pierre, & de toutes les autres matières qui sont autour du globe de la terre, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées au niveau de l’Océan.

Abysme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abysme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abysmes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abysme du néant. Ablanc. Le passé est un abysme qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abysme impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, Un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abysme de malheurs. Cet homme est un abyme de science. Le cœur d’un avare est un abysme que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abysme de misère où le péché nous a plongés. Port-Royal. On dit aussi, C’est un abysme de maux, de souffrances, de malheurs.

Abysme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abysme.

Abysme, se dit aussi des choses qui demandent, & qui consument des sommes excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abysme. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abysme, On dit en proverbe, qu’un abysme attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abysme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, en sorte que la pièce qu’on y mot ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abysme. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abysme, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief,


celle-là