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SÉANCES DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

« Il le faut, puisque c’est bien contre la France d’abord, frontière même de la liberté, que fut dirigé l’effort abominable d’oppression universelle qui vient d’être anéanti. Pour écraser le droit des peuples libres à la plénitude de la vie, la France de la Révolution, avant tout, devait être abattue. Tout nous fut demandé de nous-mêmes. Nous avons tout donné. Et voici que le droit triomphant est debout, intangible. Et voici que la paix du droit, avec tous les espoirs que ce grand mot suggère, va commencer son cours.

« Cette paix de la France, cette paix de grandeur humaine dont nous n’avons encore que les signes précurseurs, c’est à nous d’en donner l’exemple encore, de la vivre dans l’accomplissement de tous les grands devoirs, si nous voulons que l’accroissement d’honneur auquel notre peuple a droit lui demeure acquis d’un consentement unanime.

« Seulement, cette paix, il est bon de le dire ici même en cette heure précise, ne peut pas être d’une façon exclusive la paix avec les peuples amis aussi bien qu’avec ceux à qui, après les sanctions de justice, nous voulons en imposer le devoir. La paix générale, en effet, ne serait que le fallacieux mirage d’un jour, si nous n’étions pas capables de vivre d’abord en paix avec nous-mêmes, c’est-à-dire de donner comme fondement de la paix extérieure la paix intérieure à notre propre pays. (Longs applaudissements. — Les députés se lèvent.)


La paix intérieure.


« Pour cela, sans doute, il faut l’apaisement des anciens conflits, mais l’apaisement de part et d’autre, car si l’esprit de guerre persistait en quelque point que ce fût, ce serait la paix civile trahie au moment même où nous voulons l’assurer.

« La paix du dehors se peut conquérir, en un moment sublime, par le sacrifice de tout ce qui fait le prix et la beauté de la vie. La paix du dedans ne s’obtient que par l’effort continu, dans un esprit d’équité supérieure, des équitables compositions successives d’impulsions, de volontés, de croyances, de pensées, d’intérêts traditionnellement opposés, parfois même contradictoires.

« Il y faut l’héroïsme obscur d’une contrainte volontaire, souvent douloureuse, pour l’obstinée conservation d’un ordre rationnel (Vifs applaudissements) qui, s’il ne satisfait pas immédiatement à toutes les espérances, n’en doit pas moins permettre à ces espérances mêmes de se réaliser progressivement, à mesure que nous nous montrons capables de faire