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L6. MÉMOIRES

Stéopouchka se secoua un peu. Le paysan s’assit près de nous. Nous étions tous également pensifs et silencieux. Sur, ’la rive basse, un homme entonna une chanson, mais ces chansons russes sont si mélancoliques.... La chanson de l’inconnu abattit les esprits de notre pauvre Vlass. j Une demi-heure après, je fêtai l’eau de Framboise, et chacun de nous tira de son côté. a,

’lvl ’

Le Médecin du district.

Un jour, comme je revenais d’un champ éloigné, je fus ; saisi par le froid et je tombai malade. Par bonheur la’ fièvre me surprit dans Vauberge de la ville du district ; j’envoyai chercher un médecin. Une demi-heure après parut le médecin du district, petit homme brun, de chétive apparence. Il me prescrivit une potion sudorifique et un sinapisme, et fit descendre avec beaucoup de dextérité dans la poche du revers de sa manche le billet bleu’que je lui avais. destiné. Sur quoi, d’ailleurs, il toussa à sec et porta un regard vague à la paroi ; et déjà il se disposait à se retirer, lors qu’ayant, par manière d’acquit, laissé tomber quelques mots en forme de question, il resta en place comme s’il attendait une réponse. La chaleur m’agitait ; je prévoyais une insomnie, et je ne demandais pas mieux que de converser un peu ; avec ce brave homme Onnous servit le thé. Mon docteur se lança dans la causerie. Le bonhomme n’était pas sot- ; il s’exprimait bien et l’on pouvait prendre plaisir à l’écouter. Il y al de bien étranges observations à faire dans le monde : il est’ tel homme dont on se croit l’ami, avec qui on cobabite longtemps, sans arriver jamais à causer ensemble avec fran-l I. La couleur des billets varie avec la valeur : le bleu est de cinq roubles..