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dans ta chambrette ? Je te connais, tu es dix fois trop bonne,et tu le protéges tant que tu peux. »

Tatiane Illînichna baissa la tète, sourit et rougit. AIlons, j’ai deviné juste. Eh bien, fais-le entrer, oui, oui, notre cher hôte nous excusera, et, en son honneur, je serai clément. Appelle-le donc. » ’

’ Mitia était un jeune gars de vingt-huit ans, grand, bien constitué, et la chevelure tout en boucles. En entrant dans la chambre, il me vitet s’arrêta sur le seuil. Il était habillé comme l’artisan d’Europe lorsqu’il sort de son atelier ; mais la mauvaise façon des plis de l’épaulette de son surtout témoignait que cet habit était fait non-seulement par un Russe, mais par un Russien, un Roussak.

Eh bien, avance, avance, dit le vieillard ; tu as donc bien honte ? Remercie ta tante, tu es pardonné. Monsieur, je vous recommande ce beau vaurien-là ; c’est mon neveu, ce qui ne veut pas dire que je vous ferai son éloge, ah, nous touchions à la fin dut monde ! (Nous échangàmes un salut le jeune homme et moi.) Allons, explique-toi ; qu’est-ce que tu as tripoté là-bas ? Pourquoi se plaint-on de toi ? dis. » · Mitia désirait bien n’avoir pas à s’expliquer et à se justicier en ma présence.

Tout à l’heure, monocle, » murmura-t-il. —Non pas tout à l’heure, mais sur-le-champ ; je sais, fort bien que devant monsieur tu as conscience, et c’est justement ce qu’il faut. Parle, c’est ta pénitence ; parle, nous t’éboutons. j

— Je n’ai pas à rougir, dit vivement le leune homme en se redressant, et vous en jugerez ainsi vous-même, mon oncle : les odnovortsi de Réchétilof viennent à moi et me prient d’intercéder pour eux ; je leur demande de quoi il s’agit ; ils me disent : ·· Les magasins aux blés sont chez nous au complet et bien tenus, on ne peut désirer mieux. Vient un employé qui se dit chargé par l’ad• administration d’inspecter nos magasins. On l’introduit, il regarde et dit : « Vos magasins sont en désordre, il-y a ici un j grand relâchement ; mon devoir est d’en faire le rapport. j — Quel désordre ? — Ah ! je sais ce que je sais. -· Nous nous