Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il est vrai que tu es un peu pâle, observa Alexandra Pawlowna.

— Je souffre, répondit Volinzoff. Et il sortit.

Alexandra Pawlowna et Lejnieff le suivirent des yeux, et échangèrent un regard sans rien dire. Ce qui se passait dans le cœur de Volinzoff n’était plus un secret ni pour elle ni pour lui.


VII


Plus de deux mois s’étaient écoulés, pendant lesquels Roudine n’avait presque pas quitté Daria Michaëlowna. Elle ne pouvait plus se passer de lui. Elle éprouvait le besoin de lui parler d’elle-même et d’écouter ses discours. Il avait voulu partir un jour sous prétexte que ses ressources pécuniaires étaient épuisées, mais Daria s’était empressée de lui donner 500 roubles, ce qui n’avait pas empêché Roudine d’en emprunter encore 200 à Volinzoff. Les visites de Pigassoff étaient devenues plus rares qu’auparavant. La présence de Roudine dans cette maison le suffoquait, et il n’était pas le seul à ressentir cette impression pénible.

— Je n’aime pas, disait-il, ce personnage suffisant ; il parle d’une manière affectée comme les héros de nos romans russes ; il dit « Moi » et s’arrête avec admiration. Il emploie des mots sentencieux, et ses phrases n’en finissent pas. Si j’éternue, il se mettra