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— Oui. Est-ce que vous le connaissez ?

Roudine ne répondit pas tout de suite.

— Je l’ai connu autrefois… il y a longtemps de cela. Il paraît qu’il est riche ? continua-t-il en jouant avec la frange du fauteuil.

— Il est riche, quoiqu’il s’habille horriblement mal et se serve d’un drochki de course, comme un intendant. J’ai désiré l’attirer chez moi. On dit qu’il a de l’esprit. Je suis en pourparlers avec lui pour une affaire d’arpentage… Vous savez que je gère mes biens moi-même.

Roudine inclina la tête.

— Oui, moi-même, continua Daria Michaëlowna. Je ne donne pas dans les folies étrangères ; je m’en tiens à notre usage russe ; et vous voyez que les choses n’en vont pas plus mal, ajouta-t-elle en étendant la main vers les objets qui l’entouraient.

— J’ai toujours été convaincu de l’extrême erreur de ceux qui refusent l’esprit pratique à la femme, fit galamment observer Roudine.

Daria Michaëlowna sourit agréablement. — Vous êtes fort indulgent, répondit-elle ; mais que voulais-je donc dire ? De quoi parlions-nous ? Oui, de Lejnieff. J’ai une affaire d’arpentage avec lui. Je l’ai invité plusieurs fois à venir chez moi, et je l’attends aujourd’hui même, mais Dieu sait s’il viendra… C’est un si grand original !

Le rideau qui cachait la porte se souleva doucement pour livrer passage au maître d’hôtel. C’était un