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Roudine ne fit qu’incliner légèrement la tête et passa la main dans ses cheveux comme s’il était prêt à écouter. Konstantin joua.

Natalie se tenait debout à côté du piano. Elle était en face de Roudine, dont le visage prit une expression inspirée dès les premiers accords. Ses yeux d’un bleu foncé erraient lentement au hasard et se reportaient de temps en temps sur Natalie. Konstantin s’arrêta.

Roudine ne dit rien. Il s’approcha de la fenêtre ouverte. Une obscurité pleine de parfums s’étendait sur le jardin comme un voile vaporeux. Les arbres exhalaient une fraîcheur énervante. Les étoiles scintillaient doucement. Cette nuit d’été semblait caressante et caressée.

Roudine jeta un regard dans le jardin et se retourna.

— Cette musique et cette nuit, dit-il, me rappellent mes années d’étudiant en Allemagne, nos réunions, nos sérénades…

— Vous avez été en Allemagne ? demanda Daria Michaëlowna.

— J’ai passé une année à Heidelberg et presque autant à Berlin.

— Et vous portiez le costume des étudiants ? On dit qu’ils s’habillent d’une façon particulière.

— Je portais à Heidelberg de grandes bottes à éperons et une tunique à brandebourgs. Je laissais aussi tomber mes cheveux sur mes épaules… À Ber-