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tendait pourtant que les préjugés n’existaient pas pour elle.

— Bonjour, mes gentils enfants ! dit Konstantin Diomiditch ; comme vous allez vous promener de bonne heure aujourd’hui ! Quant à moi, continua-t-il en s’adressant à Bassistoff, j’ai déjà fait une grande course ; c’est ma passion de jouir ainsi de la matinée.

— Nous venons de voir comment vous jouissez de la nature, lui dit Bassistoff.

— Vous êtes un matérialiste, et vous vous imaginez déjà Dieu sait quoi. Je vous connais.

Konstantin s’irritait facilement en parlant à Bassistoff ou à des inférieurs, et il avait alors une prononciation claire et même sifflante.

— Il paraît que vous demandiez votre chemin à cette fille ? ajouta Bassistoff en portant ses yeux à droite et à gauche. Il sentait le regard de Konstantin fixé sur lui, et il en était troublé.

— Je vous répète que vous êtes un matérialiste, et rien de plus. Vous ne voyez absolument que le côté prosaïque des choses.

— Enfants ! s’écria tout à coup Bassistoff d’un ton de commandement, — voyez-vous ce saule sur la prairie : qui de nous y arrivera le premier… Un, deux, trois !

Les enfants s’élancèrent à toutes jambes vers le saule, Bassistoff partit sur leurs traces…

— Ce paysan ! pensa Konstantin. Il abrutira ces garçons. Puis, jetant un regard satisfait sur sa personne