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c’est qu’en effet il ne renferme rien qui soit digne d’attention. Mieux vaut essayer de m’expliquer mon caractère.

Quelle espèce d’homme suis-je ?… On pourra me faire observer que personne ne me le demande non plus. J’en conviens ; mais je vais mourir, et il me semble que c’est un désir pardonnable que celui de vouloir apprendre avant la mort quelle sorte d’oiseau l’on a été.

Ayant dûment pesé cette importante question, et n’ayant d’ailleurs nulle raison pour m’exprimer avec trop d’amertume sur mon propre compte, comme le font les gens bien convaincus de leur mérite, je commence par convenir d’une chose : j’ai été l’homme, ou, si l’on veut, l’oiseau le plus superflu de ce monde. Je le prouverai demain, car aujourd’hui je tousse comme une vieille chèvre, et Térence, ma garde-malade, ne me laisse pas un instant de repos. « Couchez-vous, mon petit père, et prenez du thé », me dit-elle. Je sais bien qu’elle me presse ainsi parce qu’elle veut du thé elle-même. Eh bien ! soit. Pourquoi ne serait-il pas permis à la pauvre vieille femme de retirer tout le profit possible de son maître, tandis qu’il en est temps encore ?