l’Oie mâle, jouait aux cartes avec le cocher Potape, vêtu d’une pelisse de mouton toute neuve et chaussé de ses grandes bottes frottées de goudron, – plus d’une fois, dis-je, Rickmann chantait derrière la cloison :
- Cœur, mon cœur, pourquoi si triste ?
- Qu’est-ce qui t’oppresse si fort ?
- La terre étrangère est si belle !
- Cœur, mon cœur, que te faut-il encore ?
Nous nous établîmes définitivement à Moscou après la mort de mon père. J’avais alors douze ans. Mon père mourut une nuit d’un coup d’apoplexie. Je n’oublierai jamais cette nuit-là. Je dormais de ce profond sommeil dont dorment habituellement tous les enfants ; mais je me rappelle que j’entendais même à travers ce sommeil un ronflement pénible et pareil à un râle. Je sens tout à coup que quelqu’un me saisit par l’épaule et me secoue. J’ouvre les yeux : mon menin était devant moi. « Qu’y a-t-il ?… – Venez, venez ; Alexis Michaëlitch se meurt… » Je me jette comme un fou à bas de mon lit et m’élance dans la chambre de mon père. Il était couché, la tête renversée en arrière, le visage tout rouge, et il râlait avec