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— Est-ce possible ! s’écria Alexandra ; je ne me serais jamais attendue à cela !… Écoute, Micha, continua-t-elle après un moment de silence, il faut que je t’adresse une question.

— Laquelle ?

— Penses-tu que mon frère sera heureux avec Natalie ?

— Comment te répondre ? Du reste, toutes les probabilités sont pour son bonheur, c’est elle qui le mènera. Entre nous soit dit, elle a plus d’esprit que lui ; mais Volinzoff est un excellent homme et il l’aime de tout son cœur. Que faut-il de plus ? Nous nous aimons et nous sommes heureux.

Alexandra serra la main de Michaël.

Ce jour-là même, tandis que tout ce que nous venons de raconter se passait chez Alexandra, une misérable kibitka[1], recouverte en lattes et attelée de trois chevaux de paysans, roulait péniblement sur la grande route d’un des gouvernements éloignés de la Russie. Un paysan à cheveux gris et en armiak[2] troué la conduisait, perché sur la banquette du devant. Il était assis de côté, les jambes appuyées sur le palonnier, et ne faisait que tirailler ses rênes fabriquées avec des cordages et brandir son fouet. Un homme de haute taille, assis sur une méchante valise, occupait le fond

  1. Sorte de charrette couverte
  2. Long pardessus de drap que portent particulièrement les paysans.