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les bras d’une vieille fille en perruque qui le tiendra pour un des plus grands génies de ce monde.

— Vous avez une manière fort tranchante de le juger, fit observer Bassistoff à demi-voix et d’un air contrarié.

— Tranchante, nullement, répliqua Pigassoff, mais parfaitement juste. Selon moi, c’est tout simplement ce qu’on appelle un pique-assiette. J’avais oublié de vous dire, continua-t-il en se tournant vers Lejnieff, que j’ai fait la connaissance de ce Terlasoff avec lequel Roudine a été à l’étranger. Ah ! certes, vous ne pourrez jamais vous imaginer ce qu’il m’a dit sur son compte, il y a de quoi vraiment en mourir de rire. Il est à remarquer que tous les amis et disciples de Roudine deviennent un jour ou l’autre ses ennemis.

— Je vous prie de ne pas me compter dans le nombre de ces amis-là ! s’écria Bassistoff avec feu.

— Oh ! vous… c’est autre chose ! aussi n’est-il pas question de vous.

— Et que vous a donc raconté Terlasoff ? demanda Alexandra.

— Il m’a raconté une foule d’histoires. Je ne puis me les rappeler toutes ; mais voici une de ses meilleures anecdotes à propos de Roudine.

— Il paraît, continua Pigassoff, que de raisonnement en raisonnement, Roudine en était arrivé un beau jour à se convaincre qu’il devait se rendre amoureux. Il se met donc en quête d’un objet digne de justifier cette charmante conclusion. La fortune lui sourit enfin. Il fait la