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maison pour revenir frapper à sa porte en suppliants. Nous n’avons affaire ni de la générosité, ni de l’ostentation de M. Sipiaguine ou de sa femme.

— Voilà… des sentiments tout à fait louables, répondit Pakline, qui se dit en lui-même : Oh ! oh ! me voilà arrosé d’eau froide ! —Quoique, d’un autre côté, si l’on considère… Du reste, je suis prêt à vous obéir. Je vais m’occuper de Markelof, de notre brave Markelof tout seul ! Permettez-moi de vous faire remarquer, pourtant, qu’il n’est parent de Sipiaguine que par sa femme, tandis que vous…

— Monsieur Pakline, je vous en prie !

— Parfaitement !… parfaitement !… Mais je ne puis m’empêcher d’exprimer un regret, car Sipiaguine est un homme très-influent…

— Et pour vous-même, vous ne craignez rien ? » lui demanda Solomine.

Pakline se rengorgea.

« Dans des moments comme celui-ci, il ne faut pas penser à soi ! » répondit-il fièrement.

Au fond, c’était à lui qu’il pensait, au milieu de ses projets d’intervention.

Pauvre petit être chétif qu’il était, il voulait prendre les devants, comme le lièvre de la fable.

En échange du service rendu, Sipiaguine pourrait, le cas échéant, dire un mot en sa faveur. Car, en somme, Pakline avait beau dire, il se sentait compromis, il avait écouté… et même parlé !

« Votre idée, dit enfin Solomine, ne me paraît pas mauvaise, quoique à vrai dire je ne compte guère sur le succès. En tout cas, on peut essayer. Quoi qu’il arrive, vous ne pourrez rien gâter.

— Certainement ! Mettons les choses au pis, supposons qu’on me chasse par les épaules… où est le mal ?

— Le fait est qu’il n’y aurait aucun mal là-dedans… »

Merci ! pensa Pakline ; Solomine continua :

« Quelle heure est-il ? Quatre heures passées. Il n’y a