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votre dîner ; ne vous montrez pas dans la cour, surtout. Pensez-vous, Marianne, que les Sipiaguine vous fassent chercher, qu’ils courent après vous ?

— Je pense que non, répondit Marianne.

— Et moi, je suis persuadé que oui, dit Néjdanof.

— N’importe, reprit Solomine ; en tout cas, il faut être prudents pendant les premiers temps. Puis cela ira tout seul.

— Oui, mais écoutez, lui fit observer Néjdanof ; il faut que Markelof sache où me trouver. Nous devrons l’avertir.

— Pourquoi ça ?

— C’est indispensable pour notre affaire… Il doit toujours savoir où je suis. Je le lui ai promis. Du reste, il ne parlera pas.

— Très-bien. Nous enverrons Paul.

— Et mon vêtement sera prêt ? demanda Néjdanof.

— Le costume ? comment donc ! ce sera une vraie mascarade, pas chère, Dieu merci. Adieu, reposez-vous. Allons, Tatiana. »

Marianne et Néjdanof restèrent seuls de nouveau.


XXVIII


Ils commencèrent, comme la première fois, par s’étreindre fortement les mains, puis Marianne s’écria :

« Attends, je vais t’aider à arranger ta chambre ! »

Et elle se mit à retirer les effets du sac de voyage et de la valise.

Néjdanof voulut l’aider, mais elle lui déclara qu’elle ferait cela toute seule, « parce qu’il fallait qu’elle s’accoutumât à servir ». Et, en effet, toute seule elle pendit ces effets à des clous qu’elle avait trouvés dans le tiroir de la table et qu’elle ficha dans le mur en se servant du