Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Vous serez le maître absolu, monsieur Solomine, le maître absolu ! »

Solomine accepta le cigare, mais refusa la proposition. Les plus pressantes sollicitations de Sipiaguine ne purent l’ébranler.

« Au moins, ne me dites pas d’emblée : « non ! » mon cher monsieur Solomine, dites-moi que vous réfléchirez jusqu’à demain !

— Mais ce sera bien la même chose, puisque je ne peux pas accepter.

— Jusqu’à demain, je vous en prie ! Qu’est-ce que cela vous coûterait ? »

Solomine fut forcé de convenir qu’en effet cela ne lui coûterait rien… Toutefois, en sortant du cabinet, il se remit à chercher son chapeau. Mais Néjdanof, avec qui, jusqu’à ce moment-là, il n’avait pas eu l’occasion d’échanger une parole, s’approcha de lui et lui dit vivement :

« Ne partez pas, je vous en supplie, car nous ne pourrions pas causer. »

Solomine laissa en paix son chapeau ; du reste, en ce moment, Sipiaguine, le voyant errer d’un air irrésolu dans le salon, lui cria :

« Vous passez la nuit chez nous, n’est-ce pas ? Ça va sans dire.

— À vos ordres ! » répondit Solomine.

Marianne, de l’embrasure d’une fenêtre, lui jeta un regard si reconnaissant, qu’il en de vint tout pensif.


XXV


Avant de voir Solomine, Marianne se l’était figuré tout autre. Au premier coup d’œil, il lui parut bien terre à terre, comme le premier venu. Décidément, elle avait