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de profondes révérences, en restant toutefois assis dans leurs fauteuils…

En ce moment, la porte de la pièce voisine, —chambre à coucher ou chambre de servantes, où, depuis quelques instants, on entendait chuchoter, — s’ouvrit brusquement et livra passage à la naine Poufka accompagnée de la vieille bonne Vassilievna. La naine se mit à glapir et à faire des grimaces, pendant que la bonne la retenait tantôt et tantôt l’excitait.

Markelof, qui, depuis longtemps déjà, donnait des signes d’impatience (Solomine se contentait de sourire un peu plus que de coutume), Markelof se tourna tout à coup vers Fomouchka.

« Je n’aurais jamais imaginé, commença-t-il, que vous, avec votre esprit cultivé, vous, un admirateur de Voltaire, à ce qu’on m’assure, vous pourriez vous divertir d’une chose qui doit inspirer de la pitié ; en un mot, d’une infirmité ! »

Ici il se souvint que la sœur de Pakline était contrefaite, et il arrêta son discours. Fomouchka rougit comme un enfant, arrangea son bonnet sur sa tête, balbutia : « Quoi ? ce n’est pas moi… c’est elle… » Mais ici Poufka fit une charge à fond de train sur Markelof :

« Qui est-ce qui t’a permis, s’écria-t-elle en grasseyant, de venir injurier nos maîtres ? Tu es jaloux parce qu’on m’a accueillie, assistée et nourrie, moi pauvre malheureuse ! Le bien d’autrui te fait loucher ! D’où sors-tu, noiraud, va-nu-pieds, propre à rien, avec tes moustaches de hanneton ?… »

En disant cela, elle imitait avec ses gros doigts courts les moustaches de Markelof. Vassilievna riait à fendre jusqu’aux oreilles sa bouche édentée, —et dans la pièce voisine d’autres rires faisaient écho aux siens.

« Je ne suis pas votre juge, vous comprenez, reprit Markelof en s’adressant à Fomouchka ; recueillir les pauvres et les infirmes, c’est une bonne œuvre. Cependant, permettez-moi de vous dire mon opinion : vivre