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« ce n’est pas plus malin que ça… » Les choses ne tournèrent pas absolument ainsi, et, le 27 octobre, le maréchal Bazaine rendit Metz aux Prussiens, avec 170 000 hommes, 500 pièces d’artillerie, 13 000 chevaux et tous ses drapeaux. — Un épisode qu’il faut consigner ici pour que chacun ait sa part dans cette navrante page d’histoire : le maréchal Bazaine, pour obtenir que les drapeaux lui fussent livrés intacts par ses colonels, les fit demander à ceux-ci en leur assurant que c’était pour les brûler. Le maréchal Bazaine savait que s’il était possible d’écraser une armée française par la force ou par la trahison, on ne pouvait la déshonorer que par surprise. — Emmené prisonnier en Allemagne avec tous les honneurs dûs à sa belle conduite, le maréchal Bazaine ne revint en France qu’appelé pour témoigner devant la commission d’enquête chargée d’examiner les actes du gouvernement de la défense nationale et devant celle des capitulations. — Il paraît que devant ce dernier conseil il ne parvint pas absolument à prouver que la reddition de Metz devait être imputée à l’abondance des hannetons qui avaient masqué le tir de son artillerie, car la commission formula contre lui des conclusions qui l’envoyèrent devant un conseil de guerre. — Le 14 mai 1872, il fut arrêté et enfermé à Versailles dans une prison de campagne (jardin anglais, pièce d’eau, serre, écuries et remises ; on ferait au besoin un bail), avenue de Picardie, 32. C’est là qu’il attend depuis un an — entre autres occasions imprévues — le moment de faire resplendir son innocence. Il a préparé une défense irrésistible ; on assure que tout y apparaît net, saisissant, irréfutable, et l’on semble même croire que le conseil de guerre, après l’avoir entendu, aura beaucoup de peine à ne pas faire retomber la responsabilité de la capitulation de Metz sur Gambetta.

Au physique, le maréchal Bazaine est un petit homme gros, à la figure large et vulgaire. Il y a bien sur ce faciès une sorte de bonhomie gouailleuse, mais en y prenant tant soit peu garde, on s’aperçoit bien vite que l’on n’a devant soi que les traits communs, durs et épais d’un gros cantinier, fortement nourri, mais ayant de mauvais instincts. — On raconte que, depuis sa captivité, les cheveux du maréchal grisonnent à vue d’œil. Son défenseur est persuadé qu’il sortira de prison tout à fait blanc.

Mai 1873.

NOTICE COMPLÉMENTAIRE

DATES À REMPLIR
PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE

Le maréchal Bazaine passe en jugement le... 18... — Il prouve son innocence, est acquitté et mis en liberté le... 18... — En revenant à Paris, il passe devant l’École militaire juste à temps pour assister à la dégradation militaire d’un simple soldat qui, dans un moment d’ivresse, a traité son caporal de : vilain marsouin ! — Et, enfin, il meurt le... 19... du remords d’avoir livré aux Prussiens, lors de la capitulation de Metz, une douzaine de chassepots en mauvais état, alors qu’il avait encore le temps de les faire réparer avant de les rendre.


LA BIOGRAPHIE, 15 CENTIMES. — PROVINCE, SOUS BANDE, 20 CENTIMES.

Paris. — Imprimerie F. DEBONS et Ce, 16, rue du Croissant.