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préférai donc redescendre, et, à cause de la grande roue, je descendis sur le revers opposé de la muraille.




J’avais fait quelques pas avec assez de bonheur lorsque je vins à me heurter contre un objet que mes yeux n’avaient pu distinguer de la noirceur de l’ombre. Au choc subit, je poussai un cri, croyant que c’était la bête elle-même ; mais lorsque, revenu de cette première impression, j’eus touché des balustres noirs, une sueur froide parcourut tout mon corps. J’étais dans le cimetière !

À cette soudaine idée, mille visions effrayantes s’élevèrent devant moi, jaillissant comme du sein d’une lueur bleuâtre qui leur prêtait une pâleur sépulcrale. C’étaient des spectres vermoulus, des crânes, des os, une femme noire, d’affreux fossoyeurs… Mais la plus horrible de toutes, celle qui finit par éclipser les autres, c’était celle de mon grand-père à moitié caché sous la terre. Ses traits défigurés présentaient des os creusés, des orbites vides ; sa bouche dépouillée de dents semblait étouffer sa plainte, et de ses bras décharnés il écartait avec effort une poussière immonde.

Hors de moi, je marchais rapidement, comme pour m’éloigner de ces pensées en même temps que des balustres noirs ; mais, à mesure que je marchais, le spectre sortait de sa fosse ; il tournait ses orbites sur la plaine, il m’avait reconnu ; déjà il allongeait sur ma trace son pas sourd et mystérieux, et, comme si à chaque seconde il eût été sur le point de m’atteindre, mon cœur battait avec violence. Tout à coup mon chapeau tombe, et je sens sa main froide et dure s’appesantir sur ma tête… « Grand-père ! oh ! non, grand-père ! » m’é-