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paysage dans cette saison de l’année, et la vue de ce vieux serviteur, qui tant de fois avait porté Louise sous ma conduite, agissant ensemble sur mon imagination, vinrent y remuer d’anciennes impressions, et combler peu à peu le vide que j’éprouvais par des réminiscences vagues d’abord et lointaines, ensuite plus récentes et plus vives. Bientôt j’atteignis au matin de cette journée, aux rêveries de la mare, à M. Prévère, au chantre, à cette lettre, enfin, où Louise avait tracé l’aveu de son cœur. Au seul souvenir de ces lignes, je tressaillis de joie : pour quelques instants, il me semblait que je fusse encore heureux, et j’oubliais que chaque pas m’éloignait de cette jeune fille, en qui avait passé ma vie.




J’étais arrivé au sommet d’un coteau. Avant de descendre sur le revers, je jetai encore une fois les yeux sur la cure, que j’allais perdre de vue. Le soleil, près de se coucher, dorait d’une lisière de pourpre la crête des tilleuls et le sommet des vieilles ogives du presbytère, tandis qu’une ombre bleuâtre couvrait de ses teintes tranquilles le vallon qui me séparait de ces lieux.

À la fraîcheur du soir, l’herbe redressait sa tige, les insectes se taisaient, et déjà quelques oiseaux de nuit voltigeaient autour des taillis obscurs. Dans le lointain, quelques chants isolés, le mugissement d’une vache, le bruit d’un chariot, annonçant la fin des travaux du jour, semblaient préluder doucement au repos des campagnes, et préparer le majestueux silence de la nuit. Insensiblement la clarté du jour se retira de ces douces vallées, et les riantes couleurs des prairies s’éteignirent dans un pâle crépuscule. À ce spectacle, j’avais senti mon cœur s’émouvoir, et je m’étais assis au bord