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Je ne compris rien à l’avalanche de ce monsieur. En effet, nous étions à la fin de juillet, dans une saison par conséquent où, les sommités voisines étant entièrement dépouillées de neige, cette neige qui n’y est pas ne saurait se précipiter en avalanche. N’osant toutefois contredire, je me bornai à prier ce monsieur de nous conter son aventure.

— Volontiers, dit-il. Nous avons quitté la cantine à six heures. (La cantine, c’est, du côté du Valais, la dernière maison habitée que l’on rencontre avant d’arriver à l’hospice.) J’avais à quinze pas devant moi une société ; ce sont eux qui arrivent. Deux messieurs, une jeune fille, jolie, ma foi ! mais poitrinaire. Ils l’emmènent passer l’hiver en Italie. L’un des deux hommes est son père ; l’autre, son fiancé, un grand Jacques tranquille, empressé comme une statue. Ces Suisses sont comme cela. Arrivés sur l’avalanche…

Ici j’essayai d’interrompre : — Permettez, monsieur, c’est ordinairement l’avalanche qui arrive sur vous.

— Attendez. Arrivés sur l’avalanche, je vois que la mule de cette demoiselle y enfonce jusqu’au ventre, et qu’ils ne s’en tireront pas, à cause du guide qui n’entend rien à manœuvrer une bête. Alors je m’approche, j’écarte le manant, je prends la bride, et je vous fais marcher la mule, il fallait voir !… Mais voici que la demoiselle s’effraye, le père se fâche, le fiancé crie, si bien que la rosse devient quinteuse, et le guide s’en mêle, qui veut m’empêcher de la rouer de coups. Parbleu ! lui dis-je, reprenez-la, votre mule ; et je lui lance la bride. Mon imbécile la manque, je lui lance une taloche ; la bête s’abat, et la demoiselle roule au fond de l’avalanche…

— Mais permettez, interrompis-je encore, c’est or-