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réclamaient les convenances. Je racontai à Émilie à quelle suite de circonstances je devais le bonheur d’être conduit auprès d’elle. Je lui fis part des mesures que je venais de prendre pour hâter sa réunion avec ses parents, sans aucun doute déjà rassurés à cette heure par l’arrivée de mon ami auprès d’eux ; puis, encouragé par le plaisir visible que causaient ces bonnes nouvelles, j’arrangeai mes discours de manière à ramener assez de sécurité pour que ces courts moments d’un tête-à-tête si inespéré ne fussent pas troublés par les poisons de l’inquiétude et de l’effroi. Émilie sourit alors, des larmes d’attendrissement mouillèrent ses yeux ; et si, à la vérité, elle conserva quelque embarras, il n’avait cette fois d’autre cause que la décente réserve qui l’empêchait d’oser me témoigner assez une reconnaissance qu’elle ressentait vivement.

En ce moment, la neige avait cessé de tomber, et le vent, maître du Col et des hauteurs, tenait les lourdes nuées suspendues au haut des airs. Un jour triste et blafard éclairait la surface des plateaux, tandis qu’une nuit humide régnait dans les gorges, du fond desquelles s’élevaient par lambeaux déchirés de grises et incertaines vapeurs. Nous nous assîmes à la place où nous nous trouvions, et, les yeux fixés sur ce spectacle, nous commençâmes à nous entretenir des aventures de la journée, des fureurs de l’orage, de ces magnifiques contrastes offerts à nos regards dans l’espace de quelques heures, jusqu’à ce que, nous étant doucement rencontrés sur mille impressions que nous avions ressenties ensemble, bien que séparés, il s’ensuivit des paroles moins réservées et un abandon plus intime. Émilie m’avoua qu’une fois réunie à ses parents, elle compterait cette journée, où elle avait éprouvé tant d’é-