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CHAPITRE V.


Dès que je me trouvai dans la rue, le calme du soir, l’heure, l’obscurité, le silence, achevèrent de rendre à mes sentiments tous les prestiges et la vivacité qu’ils avaient eus la veille. Je pris par les mêmes rues, afin de mieux repasser par les mêmes impressions, et je me trouvai bientôt dans le voisinage de la demeure où tendaient mes pas. Mais, à mesure que j’approchais, une émotion qui m’était peu ordinaire ralentissait ma marche, et, quand je fus entré dans l’allée, je m’arrêtai, incertain de nouveau si je voulais monter, ou renoncer pour le moment à mon projet.

Ce qui aurait dû m’y faire renoncer fut ce qui me porta à le poursuivre. M’étant avancé jusque dans la cour, je ne vis point de lumière au troisième étage ; j’aurais dû en conclure que je ne trouverais personne ; mais c’est justement cette chance qui, m’ôtant en partie mon embarras, m’encourageait à monter. J’y étais aussi engagé par un mouvement de curiosité, car cette obscurité avait contrarié mon attente. Il n’était que huit heures, et je ne pouvais supposer que les personnes que j’allais voir fussent déjà couchées.

Je m’engageai donc dans l’escalier, avec un battement de cœur qui redoublait à chaque fois que je heurtais quelque chose dans l’obscurité, ou lorsque, m’arrêtant, je retrouvais le silence. À la fin je parvins devant le seuil ; mais je n’osai frapper tout doucement à la porte qu’après m’être convaincu, par un long moment d’attente et d’examen, qu’il n’y avait probablement personne qui pût me répondre. À peine avais-je