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l’une rigide, colère et peu aimable ; l’autre indulgente, douce et digne d’être éternellement chérie.




Mais un autre grief m’animait contre le chantre, et celui-là plus profond que les autres. Depuis que j’avais grandi, il ne recourait plus aux mêmes arguments qu’autrefois ; mais son humeur s’exhalait en reproches violents et en discours empreints d’une défiance qui commençait à blesser ma fierté. Je la méritais pourtant jusqu’à un certain point ; car, comme il y avait à la cure un autre homme pour qui mes actions étaient sans voile, je ne me croyais point tenu de tout avouer au chantre : en sorte que, déjà absous à mes propres yeux du reproche de mensonge ou de fausseté, je mettais auprès de lui quelque malice dans mes réticences. En provoquant ainsi sa colère, quelque temps auparavant, je m’étais attiré une punition cruelle. Un mot funeste lui était échappé, qui, tout en me montrant chez cet homme l’intention de m’outrager, avait en même temps altéré profondément l’heureuse sécurité où j’avais vécu jusqu’alors.




Comme j’avais l’air de braver sa fureur en opposant à la violence de ses emportements la douceur patiente de mon protecteur : « Il est trop bon pour un enfant trouvé, » m’avait-il dit.

Plein de stupeur, je m’étais hâté de fuir dans un endroit solitaire, pour y calmer le trouble où ces mots avaient jeté mon âme.




Depuis cette époque, je fuyais sa présente, et mes