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et, dans tout ce qu’elle en disait en anglais avec son époux, je saisissais une charmante intention de bonté. Un instant, seulement, leurs propos s’échangèrent à voix basse, mais sur un ton et d’un air qui n’étaient propres qu’à me donner ce doux embarras qui accompagne quelque riante attente.

Tandis qu’à la demande de Lucy je retournais toutes mes toiles pour les faire passer sous ses yeux, j’entendis dans le corridor le pas de mon oncle. J’accourus pour lui ouvrir la porte.

Lucy, comme pressentant quelque chose, s’était levée. À la vue de mon vieil oncle, elle alla au-devant de lui ; puis, faisant un retour sur elle-même, elle ne put réprimer son attendrissement. Mon oncle, serein comme toujours, et fidèle à un ancien usage de galanterie, prit la main de cette jeune dame, et, s’étant incliné, il la porta à ses lèvres : — Souffrez, belle dame, lui dit-il, que je vienne vous rendre la visite dont vous m’honorâtes, il y a cinq ans, en me ramenant ce mauvais garçon-là… Je sais, reprit-il en voyant couler les larmes de Lucy, je sais que vous êtes affligée… ce noble vieillard était votre père !… Je sais aussi que voici monsieur votre époux… et digne de l’être, puisqu’il vous l’avait choisi. Le monsieur, en cet instant, serra la main de mon oncle, en l’invitant à s’asseoir sur un siége qu’il avait lui-même approché, pendant que je n’avais d’attention que pour cette scène.

— Monsieur, dit à son tour Lucy, vous pardonnez à mon émotion… Quand à Lausanne je vous vis, vous et mon père, dans la même chambre, tous les deux du même âge à peu près, tous les deux bien nécessaires au bonheur de deux personnes… j’eus alors des pressentiments, que votre présence me rappelle trop vive-