Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaise à vis ; et je l’ai vu, chaque jour, après que nous l’y avions transportée ensemble, faire lui-même le lit de sa vieille servante, et tirer encore un sourire de ses lèvres décolorées.

Un soir, cette pauvre femme éprouvant une douleur inaccoutumée, mon oncle, après s’être fait dire les symptômes avec le plus grand soin, consulta son livre, imagina une drogue victorieuse, et sortit vers minuit pour la faire préparer sous ses yeux chez le pharmacien. Son absence se prolongeant, Marguerite m’appela pour me faire part de son inquiétude. Je m’habillai en toute hâte, et je courus chez le pharmacien par le chemin le plus court. Mon oncle en était sorti depuis quelques moments. Tranquillisé par cette assurance, je m’acheminai par la rue qu’il avait dû suivre ; c’est celle de la Cité.

J’avais gravi la moitié de cette rue, dont la pente est assez rapide, lorsque je vis à quelque distance un homme seul, qu’à son action je ne reconnus point d’abord pour mon oncle. Il portait avec effort un objet pesant qu’il posa à deux reprises, comme pour reprendre haleine ; puis, arrivé au haut de la rue, il le plaça dans un coin formé par la saillie des maisons, s’assurant avec le bout de sa canne que cet objet ne pût rouler de nouveau dans la voie.

Je reconnus mon oncle, qui fut bien surpris de me voir. Après lui avoir expliqué le motif de ma course : — Eh ! j’y serais déjà, me dit-il, sans un énorme caillou où je me suis choqué rudement. Et il hâtait le pas en boitant.

Ce trait peint, ce me semble, cet excellent homme. Âgé, boiteux, ayant hâte, il avait solitairement porté la grosse pierre en un lieu où elle ne pût plus nuire, et, de