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surée que de coutume, elle formait des caractères incertains. Les signes croissants de cette insensible atteinte de l’âge provoquèrent en moi une tristesse qui commençait à me devenir familière, et, à défaut d’autre objet, mes pensées se tournèrent de ce côté.

C’est que cet oncle, que j’avais sous les yeux, était ma providence sur la terre ; et, aussi loin que pussent remonter mes souvenirs, ils ne me montraient d’autre appui que le sien, d’autre paternelle affection que la sienne. On a pu le conclure des récits qui précèdent ; mais, si l’on veut bien remarquer qu’à ce bon oncle je n’ai pas encore consacré une page qui le fît connaître, on m’excusera si je me livre avec complaisance au plaisir d’en parler ici.

Mon oncle Tom est connu des savants, de tous ceux, par exemple, qui s’occupent de la glyptique grecque ou de la bulle Unigenitus ; son nom se lit au catalogue des bibliothèques publiques, ses ouvrages s’y voient aux layettes écartées. Notre famille, originaire d’Allemagne, vint s’établir à Genève dans le siècle passé ; et, vers 1720, mon oncle naissait dans cette vieille maison qui est proche du Puits-Saint-Pierre, ancien couvent où subsiste encore une tour de l’angle. C’est tout ce que je sais des ancêtres de mon oncle, et des premières années de sa vie. J’ai lieu de croire qu’il fit ses classes, qu’il prit ses grades ; et que, se vouant au célibat et à l’étude, il vint se fixer bientôt après dans cette maison de la Bourse française, ancien couvent aussi, où s’est achevé tout entier le cours de sa longue vie.

Mon oncle vivant avec ses livres, et n’ayant point de relations en ville, son nom, connu de quelques érudits étrangers, et principalement en Allemagne, était presque ignoré dans son propre quartier. Nul bruit