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intérêt sombre, lorsqu’à la vue d’un infortuné qui se meurt mon imagination se promène autour de son chevet, et, tantôt rebroussant dans cette vie qui s’éteint, tantôt s’avançant vers cet avenir qui s’ouvre, se repaît de ce charme mélancolique, toujours attaché au mystère où s’enveloppe la destinée de l’homme.




À gauche, au bas de la rue, c’est l’église, solitaire la semaine, remplie le dimanche et retentissant de pieux cantiques. Là aussi je vois qui entre, je vois qui sort ; je conjecture, mais moins sûrement. En effet, point de portier. Et il y en aurait un, que je n’en serais guère plus avancé ; car c’est le propre du portier de s’arrêter à l’habit ; au delà, il est aveugle, muet, sourd, et sa physionomie ne réfléchit plus rien, Or, c’est l’âme de ceux qui hantent l’église qui m’intéresserait à connaître : malheureusement l’âme est sous l’habit, sous le gilet, sous la chemise, sous la peau, et encore bien souvent n’y est pas, s’allant promener pendant le prêche. Je vais donc tâtonnant, hésitant, supposant, et ne m’en trouve pas plus mal ; car c’est précisément le vague, l’incertain, le douteux qui fait l’aliment comme le charme de la flânerie.

À droite, c’est la fontaine, où tiennent cour, autour de l’eau bleue, servantes, mitrons, valets, commères. On s’y dit des douceurs au murmure de la seille qui s’emplit ; on s’y conte l’insolence des maîtres, les ennuis du service, le secret des ménages. C’est ma gazette, d’autant plus piquante aussi, que, n’entendant pas tout, il faut souvent deviner.

Là-haut, entre les toits, je vois le ciel, tantôt bleu, profond, tantôt gris, borné par des nuages flottants ;